Prendre confiance en soi
Les nouveaux patients me disent souvent : « je manque de confiance en moi » On s’entend souvent accuser d’un: « tu n’as pas confiance en toi », ce qui est plutôt décourageant. Mais personne ne définit précisément ce que veut dire « avoir confiance en soi », encore moins comment s’y prendre pour arriver à cet état idéal.
Le rôle du pédagogue ou du thérapeute consiste à détecter et à souligner les
compétences et les motivations du patient ou de l’élève. C’est la phase de
« diagnostic » et d’encouragement.
Ensuite, nous cherchons à faire verbaliser à ce dernier les freins qui l’empêchent de
se réaliser à travers une situation concrète qui lui fait peur. On trouve sous-jacent un
sentiment d’infériorité, et son corollaire par compensation, le perfectionnisme, la
« mégalomanie » qui fait qu’elle se pose des objectifs irréalistes et trop difficiles à
atteindre, d’où le cercle vicieux : sentiment d’échec, qui nourrit le sentiment
d’infériorité, et la surcompensation par des objectifs encore plus difficiles et
irréalisables…
La troisième phase consiste à envisager d’autres solutions et de les tester.
Une patiente de 45 ans vient consulter pour une orientation professionnelle et une
thérapie. Elle est à la fois raide, gauche et tendue, visiblement sous l’emprise de
médicaments psychotropes, ce qu’elle confirme.
Elle me raconte son passé professionnel et les multiples thérapies qu’elle a eu
l’occasion de faire. Celle qui l’a le plus aidée était d’ordre cognitif, à la suite de quoi
elle a réussi à rencontrer son mari.
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Nous examinons ses besoins et ses compétences, et elle me propose de travailler sur
une situation qui lui pose un problème au travail. Elle doit retourner dans son ancien
service, qu’elle n’a pas envie de réintégrer, car elle ne peut pas supporter sa chef, et
on ne lui fait pas confiance. Nous faisons plusieurs jeux de rôle concernant les divers
entretiens qu’elle a sollicités. Nous alternons les rôles : je joue avec elle
alternativement le DRH, le chef de service, et son propre rôle, afin de la sensibiliser à
ce qu’elle induit chez son interlocuteur et lui permettre de corriger sa communication
en accord avec son objectif : changer de service pour travailler dans un service avec
une bonne ambiance.
Après chaque séance, elle demande d’arrêter lorsqu’elle se sent saturée, et qu’elle a
besoin de rentrer chez elle, pour noter les points clef, pour les apprendre par cœur, et
ainsi mieux préparer sa stratégie.
Au milieu de la troisième séance de jeu de rôle, elle me dit qu’elle ne peut plus
réfléchir, et qu’elle a de nouveau besoin de s’arrêter, qu’elle n’en peut plus. Je lui
propose alors, à l’instar des techniques du débat théâtralisé, de rejouer la scène et son
propre rôle aussi mal que possible. Elle se met alors à dire tout ce qu’elle a sur le
cœur, la scène dérape et nous nous mettons tous les deux à éclater de rire.
La régulation fait apparaître qu’elle préfère jouer la sincérité, tant pis si elle n’obtient
pas le poste qui pourtant semblait lui convenir. Du coup elle n’a plus besoin de se
soucier de son image, et peut alors jouer sa propre partition, sans apprendre son
texte par cœur.
Nous rejouons la scène, et sa performance est alors impeccable de mon point de vue,
nous arrêtons la séance.
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La fois suivante, elle revient satisfaite de son entrevue avec son futur chef à qui elle a
pu exprimer son désir d’intégrer le nouveau service ainsi que sa crainte face à l’outil
informatique. Celui-ci l’a rassurée sur ce point qui la paralysait (elle craignait qu’on
attende d’elle qu’elle soit un crack en informatique, alors que ce n’était bien sûr pas le
cas).
Elle me remercie de mon aide, ce qui a contribué à augmenter ma confiance en moi.
Nous avons ensuite pu aborder ses problèmes plus intimes.
En l’occurrence, ma patiente manquait bien sûr de confiance en elle, elle se sentait
obligée de se conformer à son milieu, et de se plier à l’autorité qu’elle surévaluait,
obligée aussi de faire une bonne impression et de soigner son image. Elle n’osait pas
s’affirmer tel qu’elle est avec ses envies et ses peurs. Croyant qu’elle devait être
irréprochable, elle se préparait minutieusement à ses entretiens puis récitait le texte
qu’elle avait préparé, ce qui la rendait maladroite, empruntée, et elle n’écoutait rien,
pressée qu’elle était d’en finir avec l’entretien. Tout en restant bien sur profondément
convaincue qu’elle allait à l’échec. Sous l’effet du trac et du stress, elle ne pouvait
plus ni voir ni entendre son interlocuteur, et perdait toute la souplesse nécessaire à
un échange verbal fructueux.
Au lieu de simplement chercher à gérer sa peur de ne pas être à la hauteur de la
situation (objectif posé de façon négative), elle a pu s’appuyer sur sa motivation
(objectif verbalisé en positif) et vérifier que son appréhension était infondée.
Pour conclure, il ne faut pas attendre d’avoir confiance en soi pour aborder les
situations qui nous paraissent difficiles, mais au contraire, s’y exposer, même et
surtout si on en a peur, pour regagner à chaque fois un peu plus de force et de
courage.
Alain Drimmer